Démarrer une carrière dans l’industrie audio est un des plus gros défis des étudiants finissants de Musitechnic. Beaucoup d’emplois disponibles le sont à titre de pigiste ou travailleur autonome. Il s’agit donc d’un travail contractuel qui, si tout se passe bien, devient récurrent plutôt que sporadique. Il est donc important de bien gérer ses premiers pas dans le monde professionnel. Je m’adresse aujourd’hui à ceux qui après avoir été absorbé dans les études ont besoin de conseils pour aborder les premiers contrats. Ceux qui sont déjà passés par là peuvent être de bon conseil pour l’aspirant ingénieur du son. Philippe Génier enseigne à Musitechnic et, comme beaucoup de professionnels du son, il est passé par une variété d’emplois dans l’industrie du son depuis qu’il a gradué de Musitechnic. Je lui ai demandé de partager ses premières expériences de preneur de son plateau.

 

Les premiers contrats

En repensant à ses premiers contrats de prise de son Philippe note que tout a commencé plusieurs années auparavant par un stage non rémunéré dans une boîte de production vidéo. Après ses études, il y avait obtenu un stage par une ancienne voisine qui y travaillait. À la fin de son stage, il avait bien manifesté son intérêt à travailler pour cette compagnie mais ce n’est que quelques années plus tard qu’il fut contacté pour un contrat de prise de son sur un plateau de tournage. Il y était seul preneur de son pour une production indépendante et devait enregistrer le son à l’aide d’une perche ou de micros cravates sur une enregistreuse portative.

 

Le salaire

Une question qui revient souvent auprès des élèves est comment aborder le sujet du salaire. C’est un point délicat pour le pigiste qui ne connaît pas les taux couramment pratiqués par ses concurrents. Philippe explique qu’il a été obligé d’aborder le sujet puisque son interlocuteur ne le faisait pas. Si, lorsque vous posez la question de la rémunération votre interlocuteur vous demande votre taux horaire, vous devez être en mesure de lui répondre ! Si vous préférez laisser votre interlocuteur s’avancer, demandez-lui plutôt quel est son budget. Si vous devez donner un taux horaire et que vous y avez déjà réfléchi, tant mieux. Vous pouvez éviter de trop vous avancer en disant que le taux dépend de la nature du travail et de l’équipement que vous devez fournir (location éventuelle, transport…) ainsi que de la durée du contrat (votre taux peut être plus flexible sur un contrat de deux semaines que sur un contrat d’une journée). Philipe s’est renseigné auprès des professeurs de Musitechnic ainsi qu’auprès d’amis qui travaillent dans ce domaine. Il peut être difficile de parler salaire avec certaines de vos connaissances, mais sans leur demander directement combien ils gagnent, vous pouvez leur expliquer que c’est votre premier contrat et que vous ne savez pas combien demander. Vous pourriez être surpris des conseils que vos connaissances peuvent vous dispenser. En plus de vous dire quel taux ils trouvent raisonnable pour votre situation, ils pourraient même vous dire combien ils gagnaient quand ils ont commencé.

 

Si vous n’êtes pas sûr du taux que vous devriez demander, comparez avec ce que vous pourriez gagner ailleurs si vous n’aviez pas ce contrat (« opportunity cost » en anglais). Par exemple si vous gagnez 15$ de l’heure avec votre emploi de serveur, vous ne perdrez pas d’argent si vous facturez 15$ de l’heure pour le contrat. D’ailleurs, même à 14$ l’heure, il peut être avantageux d’accepter le contrat car, qu’est ce qui est plus important pour vous : 1 dollar de plus ou de moins de l’heure ou avoir l’expérience de ce premier contrat ?

 

Pensez aussi que lorsque vous facturez un taux élevé vous avez intérêt à livrer un service impeccable et irréprochable. En êtes-vous capable ? À un taux élevé, le client a de grandes attentes. En plus d’une qualité de son irréprochable le client peut s’attendre à la ponctualité, la flexibilité, le service après vente etc… mais c’est surtout l’expérience qui justifie un taux élevé. En êtes-vous là dans votre parcours professionnel que vous êtes capable de maîtriser n’importe quel événement qui pourrait survenir dans le cadre de votre travail? Il est parfois préférable de facturer à la hauteur du service que vous êtes sûr de pouvoir livrer.

 

La préparation

Ayant déjà les connaissances techniques nécessaires en audio, Philippe a commencé à lire les manuels de l’équipement qu’il avait emprunté à un ami afin de se préparer pour la session. Il a posé des questions et demandé des conseils aux gens autour de lui ainsi qu’aux professeurs de Musitechnic dont certains font ou ont fait de la prise de son sur des tournages. Finalement quelques jours avant le tournage, il a fait des enregistrements d’essais à la maison pour se familiariser avec l’équipement et le maniement de la perche.

 

Les défis non anticipés

La préparation est certes importante, mais comme c’est souvent le cas lors des premières fois, des défis non anticipés se sont présenté. La perche dont se servait Philippe était fournie par la production et, s’étant avérée très sensible aux frottements des doigts, ne pardonnait pas le moindre mouvement des mains qui la tenaient. De plus Philippe a vite appris qu’il fallait enrouler le câble de façon à ce qu’il ne cogne pas la perche. Il faut une certaine technique pour tenir la perche en se fatiguant le moins possible car comme l’a constaté Philippe, les journées peuvent être longues. Rien de tel que l’expérience pour saisir la différence entre la théorie et la pratique! Une autre surprise était de réaliser que comme unique preneur de son c’était lui la référence sonore. L’équipe ne se souciait pas du tout du son, c’était son rôle de prendre des décisions, comme décider s’il fallait refaire une prise parce que le son ambiant était trop fort par exemple.

 

Faire des tests de prise de son à la maison est certes utile mais ça ne prépare pas à la longueur des journées ni à la lenteur du tournage sur un plateau. Philippe parle de longues périodes d’attente durant lesquelles le preneur de son n’a rien à faire pendant que les autres intervenants (acteurs, maquilleurs, cameraman etc…) préparent la prochaine prise. Philippe a aussi senti le facteur stress : Contrairement à  ses tests préparatifs, il avait l’impression que lors du tournage ses niveaux d’enregistrement étaient instables et durs à contrôler avec pleins de « peaks » pourtant rien n’avait changé avec son équipement. Certains détails anodins peuvent être plus déstabilisants que de réels problèmes techniques. Lors du tournage en extérieur Philippe s’est rendu compte que son enregistreuse ne rentrait pas dans la poche de son manteau ce qui compliquait sa tâche. Ses tests avaient été effectués avec l’équipement à l’intérieur lors qu’il était vêtu différemment.

 

La prochaine fois

On ressort souvent de premières expériences en pensant à ce qu’on pourrait mieux faire la prochaine fois. Philippe a appris à prendre le son en positionnant son microphone par le bas plutôt que par le haut, ce qui fatigue moins. Il choisit son équipement avec plus de discernement maintenant qu’il est conscient des faiblesses des différentes pièces d’équipement qu’il est amené à utiliser. Pour un tournage dans lequel il n’est pas trop sur des défis qu’il aura à relever et où il va apprendre, il a tendance à facturer un taux horaire plus vers le bas afin de ne pas lui rajouter de stresse.

 

La prochaine fois nous aborderons l’importance de saisir les opportunités qui passent. Nous parlerons de l’importance de comprendre que les ingénieurs du son vendent généralement un service plutôt qu’un produit. Pour finir nous verrons le rôle de l’école dans le parcours professionnel de l’ingénieur du son.

 

Questions et commentaires ? k.blondy@musitechnic.net

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