Penser de façon contre-intuitive

Quand vient le temps du mixage, l’égaliseur est un des premiers outils que l’ingénieur du son sort afin de sculpter la piste. Un débutant pourrait sous-estimer le pouvoir et l’utilité de l’égaliseur, préférant l’utilisation de compresseurs et de la réverbération par exemple mais les égaliseurs sont généralement indispensables afin d’obtenir un résultat professionnel. Le fait d’être méthodique et logique peut aider à obtenir des résultats professionnels plus rapidement mais des fois la méthode et la logique peuvent sembler contre intuitifs au technicien de son en herbe. Ça implique la psycho acoustique, ou la manière dont notre cerveau interprète les sons qu’on entend. Comprendre les réactions du cerveau peut aider à prendre des décisions d’égalisation. J’aimerais éplucher quelques-unes de mes astuces, pas toujours si évidentes, pour l’égaliseur. Dans le dernier article j’ai partagé les trois premières astuces, ici je vous dévoile les trois dernières.

 

4) Écouter ce qu’on a coupé

Dans le cas du LPF (« Low Pass Filter ») et de la grosse caisse discuté plus tôt, si vous écoutez ce que vous avez coupé vous allez surement remarquer que vous vous débarrassez des cymbales et de la caisse claire, ce qui peut être une bonne chose. Peu importe l’instrument avec lequel vous travaillez, si vous n’êtes pas trop certain de la fréquence à laquelle ajuster le LPF, placez un HPF (« High Pass Filter ») au lieu et écoutez ce que le LPF pourrait couper dans votre son. Regardons un autre exemple. Si vous travaillez avec une voix et vous voulez vous débarrasser d’un grondement (« rumble ») du côté des graves, vous auriez normalement placé un HPF et peut-être fixé la fréquence de coupure à 100Hz par exemple. En plaçant un LPF sur la voix et en écoutant toutes fréquences graves que vous essayez d’éliminer vous vous rendriez compte qu’il y a trop d’énergie à des fréquences allant jusqu’à 150Hz par exemple. Encore une fois, il s’agit d’une question de perspective.

 

5) Divisez le spectre en bandes quand vous comparez deux sons

Parfois vous avez besoin de comparer deux sons ou deux enregistrements entre eux. Un artiste vous a donné un son de guitare comme référence et vous devez essayer de vous en approcher avec la guitare que vous mixez ou alors vous avez besoin de comparer votre mix avec un mix commercial de référence (une étape normale de l’apprentissage d’un métier est d’imiter les maitres)? Il peut parfois être difficile d’entendre ou décrire les différences en timbre entre deux sons ou deux mix. Une raison peut être qu’il y a trop de bandes de fréquences sur lesquelles focaliser votre attention que votre cerveau est envahi par toute l’information qu’il reçoit et ne sait pas par où commencer. En divisant le spectre en bandes de fréquences ça rend le travail plus facile. Voici quelques exemples : Lors du mixage d’un film on a besoin de faire correspondre le bruit d’ambiance (« room tone ») d’une pièce que l’on retrouve dans deux scènes différentes du film, ou quand on essaie de faire correspondre la même voix (ou le même instrument) qui a été enregistré avec deux microphones différents. La division du spectre de fréquences peut aussi aider quand vous essayez de faire correspondre la réverbération dans un enregistrement avec la réverbération du reste des sons. Voici des situations où l’utilisation d’un égaliseur pour la division du spectre des fréquences peut être utile. Utilisez un simple LPF ou HPF pour diviser le son (ou mix complet) en bandes. Par exemple, si vous comparez votre mix avec un mix professionnel semblable vous pourriez fixer le LPF afin de n’entendre que les fréquences dans le mix de référence en dessous de 1kHz, ensuite écoutez votre mix avec le même LPF. S’il y a en effet des différences entre le contenu des mix respectifs, elles devraient être plus évidentes maintenant. L’explication est simple, lorsqu’on retire les fréquences aigues (au-dessus de 1kHz dans notre exemple) dans les deux mix, il devient plus facile pour vos oreilles de focaliser et d’entendre les différences de graves entre les deux mix. On n’utilise pas l’égaliseur pour ajuster le son en tant que tel mais simplement pour l’écoute (« monitoring ») et la comparaison. De façon semblable, un « Band Pass Filter » (combinaison d’un HPF et LPF) peut aider pour resserrer son attention sur une bande de fréquence particulière. Par exemple, lorsque vous comparez deux guitares basses vous utiliseriez un LPF pour entendre et comparer les fréquences graves des instruments mais maintenant grâce au BPF vous pouvez vous concentrer sur la gamme de fréquences entre 500Hz et 2kHz où on peut entendre le son du médiator (« pick »). Encore une fois, ces égaliseurs sont utilisés uniquement à fins de contrôle des sons (« monitoring ») et devraient être retirés après l’utilisation. Les véritables réglages que vous voulez appliquer devraient être faits avec un autre égaliseur, en général un paramétrique, directement sur la piste.

 

Voici quelques suggestions simples pour diviser le spectre de fréquences:

Vous voudrez peut-être vous concentrer sur certaines régions clef du spectre, voici quelques suggestions précises qui peuvent vous aider:

 

6) Égaliseur: Remplacer le balayage par le AB

Parfois le son, ou l’instrument, avec lequel vous travaillez est un peu terne et vous voulez le rendre plus intéressant, plus excitant, en rajoutant des fréquences. Habituellement on utiliserait un égaliseur paramétrique et on amplifierait avec une courbe en cloche (« bell » ou « peaking »), balayant le spectre de fréquences à la recherche de la fréquence magique. Comme dernier conseil j’aimerais vous suggérer d’éviter de faire du balayage (« sweeping ») la prochaine fois que vous vous trouvez dans cette situation. Avec l’égaliseur désactivé (« bypass »), demandez-vous quelle est cette fréquence magique, faites une supposition et amplifiez cette fréquence (avec un facteur Q entre 2 ou 4, selon le son). Activez votre égaliseur et écoutez votre son avec et sans l’égaliseur. Si le son ne vous plaît pas plus ou que vous pensez que ce n’était pas la bonne fréquence, désactivez à nouveau l’égaliseur et après avoir choisi une autre fréquence à augmenter, réactivez l’égaliseur. Idéalement, et avec assez d’expérience, vous devriez trouver votre bonheur après environ trois essais, autrement, pratiquez, pratiquez, pratiquez. Quand vous faites un test A/B sur vos sons, votre cerveau est en mesure de focaliser sur le son global et peut apprécier ce que la fréquence augmentée ajoute au son d’origine. Quand on fait un test A/B sur deux sons, le cerveau peut discerner lequel est meilleur. Le mot ‘meilleur’ est clé ici puisque quand on balaye le spectre avec un égaliseur, le cerveau entend simplement que le son change. Il devient donc difficile de déterminer quelle fréquence augmentée a un meilleur son. Le cerveau réussit bien à comparer deux sons qui sont ‘statiques’ mais a du mal à être objectif avec des sons qui changent et évoluent tels que ceux d’un égaliseur qui balaye le spectre des fréquences.

 

Il est important de comprendre la logique derrière ces astuces même si vous ne les employez pas systématiquement. Si vous ne les utilisez pas déjà, essayez de les intégrer graduellement dans votre travail, selon la situation. Assurez-vous de lire la première partie de cet article pour obtenir le maximum de ces astuces d’égalisation.

 

Si vous avez manqué la première partie, cliquez ici.

 

Questions et commentaires: k.blondy@musitechnic.net

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