À Montréal, de plus en plus de concerts « pop » ont lieu dans des églises avec des artistes comme Philippe B, Louis-Jean Cormier, Avec Pas D’Casque ou DJ Champion. Un quotidien Montréalais m’a posé des questions pour un article à ce sujet et je profite de cette occasion pour partager avec vous les secrets de l’acoustique d’une église, ou comment le son y voyage et pourquoi nous l’apprécions. Une prochaine fois nous aborderons quelques points qu’un ingénieur du son doit considérer lors d’un enregistrement ou d’un spectacle « pop » dans une église.

Qu’est ce qu’une bonne acoustique?

C’est un environnement sonore qui convient à l’utilisation que l’on souhaite faire du lieu. Dans le cas d’une église, une bonne acoustique permet une bonne communication verbale et musicale. Par contre, les églises n’ont pas toutes les mêmes besoins. Il existe une variété de type de messes données dans les églises et les besoins diffèrent. Il suffit de penser aux églises classiques européennes d’un côté et aux églises modernes des Etats-Unis pour s’en convaincre.

L’article en question portait sur l’église St-Pierre Apôtre (bâtie de1851 à 1853 d’après les plans de Victor Bourgeau). D’un style néo-gothique elle est de proportion classique: la largeur est la moitié de la longueur. Ces proportions peuvent être problématiques et favoriser la présence d’ondes stationnaires audibles dans les fréquences graves. En acoustique il est préférable d’éviter les surfaces parallèles d’une part et les dimensions qui sont des multiples l’un de l’autre (ici la longueur est un multiple de largeur). Une structure Gothique est un bon environnement pour le répertoire Européen et chants Grégoriens, mais ne marcherait pas pour la musique Chrétienne contemporaine ou le Gospel contemporain.

Comment le son voyage-t-il dans l’église ?

Que ce soit pour la messe ou pour un concert, la source sonore provient généralement de l’autel (les orgues sont souvent à l’avant de l’église et les chorales se placent parfois au balcon, aussi à l’avant de l’église) et le son se propage dans toute l’église. Les sources sont souvent relativement directives et orientées vers le public, que ce soit une voix qui parle ou chante ou un instrument de musique acoustique ou amplifié. Les fréquences graves (en dessous de 500Hz) sont omnidirectives et les fréquences aigues, directives. On comprend donc que les fréquences graves peuvent devenir problématiques si elles ne sont pas contrôlées ou prises en charge par un traitement acoustique. Les fréquences graves sont souvent les fréquences responsables d’un effet larsen (« feedback »)

La source sonore se propage dans l’église comme des poignées de balles rebondissantes lancées à partir de la source sonore dans la direction de propagation du son: la trajectoire d’une balle est modifiée en fonction des obstacles rencontrés sur son passage. Il faut se rappeler qu’un obstacle pour les fréquences aigues n’est pas forcément un obstacle pour les fréquences graves. Les fréquences aigues vont rebondir sur une colonne en pierre ou un banc d’église (ce qui est appelé ‘réflexion’ en acoustique) tandis que les fréquences graves vont contourner l’obstacle (ce qui s’appelle ‘diffraction’ en acoustique).*

*L’obstacle doit être plus grand que la longueur d’onde de la source sonore pour causer une réflexion. Si l’obstacle est petit au regard de la longueur d’onde, l’onde contourne l’obstacle.

La réverbération ou pourquoi l’acoustique d’une église est bonne :

Une église en pierre (comme l’église St-Pierre Apôtre) isole bien des interférences extérieurs ce qui est un bon point de départ. Dans une église en pierre, la majorité de l’énergie est réfléchie par les parois créant cette réverbération caractéristique. Avec de la réverbération le son devient plus grand que nature. La réverbération crée toute une expérience en rajoutant un côté dramatique et une importance à un discours ou une musique.

Une bonne réverbération aura un bon ratio de son direct et de son indirect/réverbéré, obtenu avec une combinaison de formes géométriques et non géométriques et de surfaces aux finis variés. L’architecture Gothique de l’église et les éléments qui la meublent (bancs, statues, etc…) nous offrent une variété de formes (géométrique/non géométrique) et de surfaces favorable à une bonne réverbération. Les surfaces arrondies diluent la localisation de la source d’un son et sont donc à éviter. La présence d’un public nombreux dans l’église permet d’atténuer la réverbération qui peut sembler incontrôlable lorsque la même église est vide.

Par contre, ce n’est pas parce qu’il y a de la réverbération (des réflexions) que c’est forcément une bonne acoustique. La réverbération aide à faire entendre un son, en l’amplifiant, mais une bonne réverbération amplifie le son tout en le gardant intelligible. Une réverbération trop forte (ou des échos) sont à éviter. La réverbération dans une salle de bain est trop forte et fait perdre en intelligibilité (trop de son indirect par rapport au son direct). S‘il n’y a pas de problème de compréhension lorsqu’on chante dans une salle de bain c’est que l’auditeur et le chanteur sont généralement la même personne. L’écho, à éviter, est d’ailleurs souvent plus problématique pour l’orateur (ou le chanteur ou musicien): sa voix rebondi sur le mur derrière le public et lui revient, causant ainsi un délai entre le son directe et le son indirecte qui rend la performance difficile voir impossible.

Réverbération et musique :

Une bonne réverbération pour la musique n’est pas forcément bonne pour la parole. Avec une bonne réverbération les notes de musique peuvent se superposer : le musicien joue une nouvelle note mais la note précédente est encore audible grâce à la réverbération. Cette réverbération n’est pas appropriée pour la parole où on évite que les mots ou fragments de mots ou phrases se superposent.

De plus, la réverbération n’est pas pour toutes les musiques. Par exemple Bach a composé des œuvres pour différents clients en tenant compte de l’acoustique du lieu où seraient jouées ces œuvres (salon ou cathédrale). La réverbération est considéré utile pour la musique chorale, la musique acoustique, ainsi que l’orgue. Dans la musique moderne, on a tendance à mettre moins de réverbération car les tempos sont plus rapides, les lignes de basse plus occupées, les paroles et les rythmes sont importants et ne doivent pas être perdues dans la réverbération. La réverbération est très présente dans la musique de certaines périodes (« wall of sound » de Phil Spector dans les années 60, ou la réverbération numérique de la pop des années 80…) ou de certains styles.

 

La prochaine fois nous aborderons quelques défis qui se posent à l’ingénieur du son lors d’un enregistrement ou d’un spectacle « pop » dans une église.

 

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