Parmi les métiers de l’industrie du son (et de la musique en particulier) il y a les métiers plus obscurs de l’édition musicale. Beaucoup d’élèves passés à Musitechnic ont un bagage musical, certains d’ailleurs ont des carrières musicales (comme artistes, compositeurs, réalisateurs d’albums, arrangeurs, musiciens…) plutôt que techniques. Il est important de savoir tirer des revenus de ses compositions dans un contexte où on peut compter de moins en moins sur ce qui fut jadis la source de revenu principale de beaucoup d’artistes : les ventes de disques. Afin de mieux comprendre l’édition musicale j’ai discuté avec Maître Patrick Curley, avocat et créateur des éditions Third Side Music ici à Montréal. La dernière fois j’ai regardé les sources de revenues de l’éditeur ainsi quelques points concernant les contrats. Cette fois nous nous penchons plus sur le travail de l’éditeur et profitons de quelques conseils de Maître Curley.

Le travail d’éditeur

Avoir des contacts et placer des compositions dans des productions n’est pas tout ce qui fait l’édition. Pour générer des revenus avec des compositions, l’édition demande un travail de rigueur, de détails. Avec la diversité de possibilités qu’offre l’ère numérique (le « streaming » par exemple) il faut s’assurer d’être payé. Il faut vérifier les rapports des organismes qui versent des droits (comme la SOCAN) et parfois les appeler et essayer de comprendre pourquoi il n’y a pas les retours espérés. Comme le mentionne Maître Curley, le travail d’éditeur peux aussi consister à libérer des droits pour l’utilisation d’échantillons (« samples ») pris sur des disques de différent labels (compagnies de disque). Du point de vu de l’éditeur il s’agit d’une oeuvre (ou une partie, un échantillon ou « sample ») utilisée dans une autre oeuvre par un autre compositeur. L’éditeur peut avoir à négocier non seulement avec l’auteur/compositeur (propriétaire des droits d’auteur) mais aussi la compagnie de disque (si elle est propriétaire de la bande maîtresse). D’après Maitre Curley, avec la faillite des compagnies de disque l’éditeur est devenu un peu l’A&R (Artist & Repertoir, représentant d’une compagnie de disque dont le rôle est de découvrir et signer des artistes) d’aujourd’hui : « on signe l’artiste en édition et on le pousse vers des labels, des agents de spectacle ». C’est un support au gérant mais ça ne remplace pas toutefois le gérant qui est un travail à part entière, précise t’il. Les relations avec les compagnies de disques sont importantes pour Third Side Music puisqu’ils signent des artistes avec des personnalités, un son particulier. Ils placent donc des œuvres, mais il s’agit généralement d’enregistrements (bandes maîtresses) qui appartiennent à une compagnie de disque avec qui l’éditeur partagera les revenus (par exemple 50/50). Pas que Third Side Music soit contre l’idée d’un réenregistrement ou réarrangement de l’œuvre, mais ce qu’ils présentent à leur client est un son (la bande maîtresse) plutôt qu’une partition (progression d’accords, mélodie, paroles). Même les artistes qui n’ont pas de compagnie de disque arrivent déjà avec leur ‘son’ une production indépendante de qualité internationale (C’est normal s’ils sont passés par Musitechnic !). Le réalisateur qui cherche des musiques pour son film cherche aussi un ‘son’ particulier plutôt qu’une partition. Sinon, il ferait appel à un compositeur de film (ou de jeu vidéo, ou publicité etc) à qui il demandera de faire ce qu’il imagine comme ‘son’. Aux compositeurs qui pensent que leur musique est très cinématographique Maître Curley répond que ce sont des compositeurs de films et qu’il existe des agents pour les compositeurs de film mais que ce n’est pas le travail de l’éditeur musical. Il ne pense pas que c’est utile de faire différentes versions d’une oeuvre pour montrer à un éditeur ce dont un auteur/compositeur est capable, une excellente version suffit et si nécessaire l’éditeur refera faire un « remix ».

Etre son propre éditeur ? 

Le compositeur qui veux être son propre éditeur doit comprendre que c’est un métier qui au même titre qu’un autre demande du temps et de l’énergie qu’il ne pourra pas utiliser à composer, tourner, répéter, enregistrer. Maître Curley dit que certains auteurs/compositeurs qui font ce choix finissent par payer quelqu’un pour le faire, alors pourquoi ne pas prendre un éditeur dont c’est le métier ? Il faut se rappeler que l’édition n’est pas le travail de la compagnie qui elle vend des enregistrements pas des compositions.

Conseils et dernières notes 

Patrick Curley a bien pris le temps de préciser que la qualité artistique n’est pas gage de placement. Par exemple dans le cas du jazz, c’est une musique difficile à placer dans une production audiovisuelle même si artistiquement c’est d’une qualité extraordinaire.

Pour l’auteur/compositeur qui se demande à quel moment il doit chercher un éditeur, la réponse se résume essentiellement à « Don’t call us we’ll call you ». Les demandes provenant d’auteurs/compositeurs qui se cherchent un éditeur sont tellement nombreuses que l’éditeur n’a qu’à choisir ce qui l’intéresse, ou plutôt ce qu’il pense pouvoir placer.

Questions ou commentaires : k.blondy@musitechnic.net

Karim Blondy

Quelques liens :

http://www.thirdsidemusic.com // http://www.davidmurphy.ca // http://www.editorialavenue.com/fr // http://www.cmrra.ca // http://www.socan.ca

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