Lors d’un blog précédent j’ai expliqué ce qu’était le « mastering » et pourquoi c’est nécessaire. Cette fois-ci je me penche sur le travail que fait l’ingénieur de « mastering ». Ce travail peut se diviser en deux; le « pre-mastering » et le « mastering » ou matriçage. Le « premastering » dont il est sujet ici, est un travail plus artistique. Le « mastering » ou matriçage est plus technique et sera le prochain sujet.
Le « pre-mastering »
La première tâche, le « pre-mastering » permet d’optimiser l’audio et est une étape artistique. C’est au cours de cette étape que les ingénieurs peuvent exprimer leur talent et réellement ajouter de la valeur au son final. L’audio sur lequel va travailler l’ingénieur de « mastering » doit être transféré au DAW (Digital Audio Workstation) de l’ingénieur. Pyramix, SADIE, Sequoia et Sonic Solutions sont des DAW qu’on retrouve souvent. L’ingénieur commence par écouter les « mix » dans le contexte de l’album et se concentre sur des aspects variés du son, en étant attentif surtout aux inégalités de qualité spectrale (ton, EQ…), dynamique (compression…) et de largeur stéréo d’une pièce à l’autre. D’assurer l’homogénéité dans le produit final peut être une tâche majeure. Par exemple, le contenu de basses d’une chanson à l’autre doit être semblable pour que la basse ne soit pas plus forte d’une chanson à l’autre. Si le projet est une compilation de chansons de différentes sources ou différents artistes, d’assurer un son homogène est un défi de taille : les chansons peuvent avoir été enregistrées à différentes époques, dans différents studios et par des ingénieurs différents. L’ingénieur de « mastering » fournit l’oreille neutre et l’environnement d’écoute précis et fiable que la tâche requiert.
Quoique les ingénieurs en « mastering » ont souvent des diplômes en génie audio, acoustique, ou les deux, ses années d’expérience sont clés pour la connaissance des différents standards des genres musicaux et les standards de l’industrie pour le produit final. L’habileté d’écoute fine de l’ingénieur du son lui permet de remarquer des irrégularités et des éléments incohérents dans le son qui étaient auparavant passés inaperçus. L’ingénieur aguerri saura comment intervenir pour les rectifier. Il existe plusieurs outils (« hardware » ou logiciels) qui peuvent l’aider dans sa tâche, cependant son oreille sera toujours le meilleur guide. Ces outils incluent des analyseurs de spectres de fréquences, des moniteurs de phase, des indicateurs de niveau (PPM ou VU par exemple) et des analyseurs de la largeur stéréo. Dans le pire des cas, quand aucune autre solution ne s’offre à lui, l’ingénieur peut demander que l’audio repasse par l’étape du mixage avant de pouvoir travailler dessus.
Des outils de traitement sont aussi utilisés : égalisation (de Weiss notamment), compression, peut-être le délai et la réverbération. Les compresseurs multibande sont typiques des studios de « mastering » puisqu’ils permettent de compresser indépendement les différement bandes de fréquences d’un même signal. Les réducteurs de bruit sont souvent nécessaires pour se débarrasser des bruits de fond, de « hiss » ou autres interférences audibles. Cedar et Sonic Solutions No Noise sont des exemples de logiciels de réduction de bruit.
Les appareils de traitement de signal analogiques (EQ, compresseurs, etc…) sont souvent l’option préférée même si les processeurs numériques sont également utilisés. Si des outils analogiques sont utilisés, le signal ou les pistes peuvent avoir besoin de conversion au domaine analogique avant le traitement. Avec un appareil de traitement de signal numérique quelques astuces existent une fois le signal converti à un signal M/S (Mid/Side). L’utilisation d’un signal M/S permet la manipulation de la partie stéréo indépendamment de la partie mono ou à l’inverse de manipuler seulement les éléments mono du son. Il est difficile de dire si un traitement analogique est supérieur à un traitement numérique ou l’inverse puisque le traitement d’un signal numérique dépend entièrement des algorithmes utilisés de la même manière que le traitement analogique d’un signal dépend de la qualité et du type de composantes utilisées dans son traitement.
L’ingénieur fera une écoute à différents niveaux, entre 70 et 85 dBSPL, parfois plus fort selon le type d’environnement d’écoute prévu. La réaction de l’oreille aux fréquences n’est pas linéaire et varie avec le niveau de pression du son. Afin d’entendre les parties les plus douces correctement, le studio de « mastering » se doit d’être un environnement d’écoute suffisamment silencieux. Il est également intéressant de faire une écoute dans un casque ou dans un système de son de basse qualité afin d’entendre comment le « mix » y est traduit.
L’augmentation graduelle du niveau moyen (« loudness war ») qui a lieu dans l’industrie a poussé des producteurs, artistes, radios et maisons de disque à demander un son toujours plus fort de la part des ingénieurs de « mastering ». Sans rentrer dans le débat de la guerre des niveaux, il suffit de dire que plus un disque est fort (« loud ») plus il implique des compromis dans sa gamme dynamique. L’ingénieur de « mastering » devient l’arbitre entre les demandes contradictoires d’un disque fort et un qui respire avec une gamme satisfaisante. Il y a des ingénieurs qui croient que leur rôle est d’améliorer la manière dont l’audio se traduira d’un environnement d’écoute à un autre, et d’autres ingénieurs pensent qu’ils doivent donner le plus d’impact sonore possible à l’audio.
Une fois que toutes les modifications spectrales, dynamiques et possiblement ambiantes (réverbération) sont faites, les transitions entre les chansons doivent être travaillées : combien de temps de silence laisse-t-on entre les pistes? À quel moment commencer un « fade-out »? Combien de temps de chevauchement entre des pistes qui se fondent l’une dans l’autre? Voici le genre de questions auxquelles il faut trouver réponse en fonction des projets. Des instructions précises et les contributions du client sont plus que nécessaires pour cette étape.
Pour le « mastering » destiné au vinyle, l’ingénieur doit vérifier qu’il n’y a pas de problèmes de phase entre les canaux de gauche et de droite dans les basses fréquences, autrement la production du disque devient impossible. Par ailleurs, les changements de fréquences dans les aigues (passage d’une fréquence basse à une fréquence haute) ne doivent pas excéder la capacité d’accélération du stylet (« stylus »). Il est important de savoir aussi que plus le disque est fort, plus la durée de la face du disque sera courte.
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