À Montréal, de plus en plus de concerts « pop » ont lieu dans des églises avec des artistes comme Philippe B, Louis-Jean Cormier, Avec Pas De Casque ou DJ-Champion. Lors d’un blog précédent il avait été question de l’acoustique d’une église, comment le son y voyage et pourquoi nous l’apprécions. Ici nous abordons quelques points qu’un ingénieur du son doit considérer lors d’un enregistrement ou d’un spectacle « pop » dans une église.

« Dead » versus « live »

En studio, une salle réverbérante est dite « live » et une salle plus étouffée, « dead ». Pour un artiste pop (hormis les considérations spirituelles ou autres), choisir de faire un spectacle ou un enregistrement dans une église revient à choisir un lieu où la réverbération fait partie du son.

Pas d’envois auxiliaires

Lors d’une prise de son dans un environnement « dead » la quantité de réverbération ajoutée au signal peut être différente pour chaque source ou instrument. C’est l’envoi auxiliaire de la console qui s’en charge (reculer le microphone par rapport à la source peut aussi ajouter de la réverbération au son). Dans une église toutes les sources de son sont envoyées vers la réverbération et elles ont toutes le même niveau de réverbération. L’ingénieur de son prendra des solutions acoustiques (placement des musiciens, panneaux isolants …) pour contrôler la propagation des sources de son, notamment les fréquences graves. Dans une église la réverbération est naturelle et acoustique, dans un environnement « dead » la réverbération est artificielle. Comme dans beaucoup de salles de spectacles, la présence d’un public nombreux permet d’atténuer la réverbération qui dans une église vide peut sembler incontrôlable.

Pas d’égalisation

En studio, ou dans une salle de spectacle, il est possible d’égaliser un envoi auxiliaire ou d’appliquer une égalisation à même le « plug-in » de réverbération par exemple. Dans une église il n’y a pas autant de contrôle sur les fréquences de la source qui auront ou n’auront pas de réverbération qu’en studio. Même si placer des panneaux acoustiques peut absorber certaines fréquences, il est toutefois plus difficile de contrôler les fréquences graves auxquelles il peut être préférable, pour des raisons de clarté ou d’intelligibilité, de ne pas ajouter de réverbération. De plus, pour certains spectacles, le coté peu esthétique des panneaux absorbants fait qu’ils ne sont pas une option. Dans certaines églises, les chorales sont placés dans des ‘boites’ acoustiques en bois qui servent à contrôler la propagation du son et permet aux chanteurs de bien s’entendre entre eux.

Pour les sources où c’est possible (amplificateurs de guitare ou basse électriques…) il est préférable qu’elles soient égalisées en fonction de la réverbération de l’église  (ce que le public entend) et non uniquement en fonction du son direct qui est émis par la source (ce qu’entend le musicien devant son amplificateur par exemple). La plupart des auditeurs dans l’église sont relativement loin de la source et entendent quasi exclusivement le son indirect, autrement dit l’énergie du son indirect prédomine sur l’énergie du son direct. La distance à laquelle le son direct est au même niveau que le son indirect est appelé distance critique en acoustique.

Sonorisation

Lors d’un spectacle sonorisé dans une église, vu que le son doit être amplifié, il est important de surveiller le niveau de réverbération capté par les différents microphones. Il s’agit du rapport son direct/son indirect autrement dit, la distance entre le microphone et la source. Le signal capté par le microphone sera renvoyé dans l’église (via des haut-parleurs) ce qui ajoutera encore de la réverbération. Le potentiel pour des effets larsen (« feedback ») est là. Les fréquences graves sont à surveiller car c’est souvent dans ces fréquences que l’effet larsen commence. Si le microphone est proche de la source, le son des haut-parleurs du système de sonorisation qui se propage dans l’église donne peut-être un niveau de réverbération suffisant. Trop de réverbération nuit à l’intelligibilité et à la musique rythmée aux tempos rapides.

Quelques paramètres :

Voici quelques paramètres de réverbération que les acousticiens considèrent comme appropriés pour une voix parlée dans une église. Ils peuvent servir de point de départ pour une réverbération artificielle d’église ou comme points de comparaisons l’acoustique d’une église que vous connaissez :

– Un « predelay » de 330ms, ce qui correspond à une syllabe pour un débit de parole habituel (trois sons ou syllabes par seconde).

– Le niveau réverbéré doit être 10dB moins fort que le son direct pour favoriser l’intelligibilité et éviter la fatigue de l’auditeur. Un auditeur qui doit se concentrer pour comprendre aura plus tendance à décrocher et penser à autre chose.

– Un temps de réverbération (RT60) de 1,25s

 

À titre de comparaison, voici des paramètres de réverbération recommandés pour une voix parlée en général :

– Un « predelay » entre 10ms et 20ms

– Un temps de réverbération (RT60) inférieur à 0,5s

 

Voici quelques paramètres de réverbération que les acousticiens considèrent comme appropriés pour de la musique dans une église:

– Un « predelay » plus long

– Le niveau du son indirect (réverbéré) doit être plus fort que le son direct

– Un temps de réverbération (RT60) supérieur à 1,25s

 

Pour terminer, encore à titre indicatif ou pour comparaison, voici quelques paramètres de réverbérations considérés comme appropriés :

Pour de la musique vocale:

– Un « predelay » entre 20ms et 60ms

– Un temps de réverbération (RT60) entre 0,5s et 1,5s

 

Pour la musique orchestrale:

– Un « predelay » entre 30ms et 130ms

– Un temps de réverbération (RT60) entre 0,75s et 3s

 

Pour la musique d’orgue:

– Un « predelay » entre 110ms et 165ms

– Un temps de réverbération (RT60) entre 2,5s et 4s

 

Lire la 1ère partie en cliquant ici !

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